Des optiques Hasselblad sur caméra Full Frame par Vinicius Mantovi

Hasselblad for PL

L’intérêt des chefs-opérateurs pour une image étendue sur de grandes surfaces photosensibles n’est pas nouveau, mais grâce aux évolutions technologiques, les prises de vue en grand format numérique sont de plus en plus courantes, les pleins capteurs des caméras professionnelles ayant rejoint les pleins capteurs des appareils photo (24×36).

Cette évolution séduit bien entendu de nombreux directeurs et directrices de la photographie contemporains qui y voient de nouveaux chemins esthétiques. Dans cette idée, nous souhaitons mettre en évidence les caractéristiques des optiques argentiques moyen format au service du cinéma et de l’audiovisuel.

Avec Vincent Duverger, responsable technique du pôle caméra chez Direct Digital, nous avons constaté que très peu d’informations avaient été publiées sur le sujet. Nous avons donc voulu, avec ces premiers essais, ouvrir une discussion autour de l’utilisation en tournage des optiques moyen format. Notre intérêt s’est porté sur une série Zeiss en monture Hasselblad mais d’autres séries restent à explorer, les Mamiya notamment, très populaires chez les photographes. L’idée n’est pas d’arriver à une conclusion ou de faire le tour du sujet mais plutôt de présenter les aspects visuels résultant de la combinaison d’un capteur numérique Full Frame (ici la FX9 de chez Sony – capteur 35,7×18.8mm) avec des objectifs Hasselblad modernes (cercle de couverture de 55mm). Les images présentées dans cet article sont ouvertes à l’analyse et à l’interprétation du regard de chacun et trouveront leur plein écho sur un vrai plateau soumis à une mise en scène et à une mise en lumière « pour de vrai » !

 

L’ASPECT PHYSIQUE

Hasselblad 50mm + Sony FX9 
Hasselblad 50mm + Sony FX9 

 

Hasselblad 60mm + Sony FX9
Hasselblad 60mm + Sony FX9

 

Pour ces essais, nous avons utilisé deux bagues adaptatrices : une première coté caméra en monture SONY E vers monture PL et ensuite côté optique une bague PL vers monture V Hasselblad.

Malgré la double bague nous n’avons pas constaté de jeu sur la monture en manipulant les optiques et nous conservons un tirage optique qui permet de pointer l’infini sur toutes les focales. Les deux bagues adaptatrices (Metabones et C7Adapters) ont une finition métallique très solide. Comme toutes les optiques argentiques, les bagues de mise au point risquent d’être un peu dures sur quelques focales, il est conseillé d’utiliser un moteur de point HF assez robuste comme un “cforce mini” à la place d’un follow focus manuel. Avec un moteur HF et grâce à une très longue course de mise au point, les bascules sont très progressives et très précises pour le pointeur. La série compte les focales suivantes: 40mm F4, 50mm F4, 60mm F3.5, 80mm F2.8, 100mm F3.5, 120mm F4 et 180mm F4.

Hasselblad 40mm + Sony FX9 + Cforce mini
Hasselblad 40mm + Sony FX9 + Cforce mini

 

  • Partie 1 – PREMIÈRES IMAGES À GRANDE OUVERTURE

Pour cette première partie, nous avons déterminé trois focales : 40mm-F4-Distagon, 60mm-F3.5-Distagon et 80mm-F2.8-Planar, chacune dans sa plus grande ouverture. À diaphragme grand ouvert nous cherchons, initialement, à éviter les caractéristique particulières de ces optiques lorsque l’on réduit la luminosité via les lames du diaphragme. Ces particularités seront mises en avant par la suite.

À pleine ouverture nous recherchons les “imperfections” optiques – la personnalité de la focale : les aberrations chromatiques liées à l’effet de réfraction, la netteté/douceur et les profondeurs de champ. Cette première phase nous permet aussi d’analyser dans le mouvement quelques aspects optiques : les possibles aberrations géométriques, les flares, les images « fantômes » (ghosts), les bokehs, le rendu sur une peau claire, le rendu des couleurs (ici sur le capteur de la FX9), les possibles pompages (breathing), la profondeur de champ sur la course de mise au point,  les possibles rampings et le piqué. 

Hasselblad 40mm F4 Distagon sur capteur Sony FX9 FF 6K Sensor

Hasselblad 60mm F3.5 Distagon sur capteur Sony FX9 FF 6K Sensor

Hasselblad 80mm F2.8 Planar sur capteur Sony FX9 FF 6K Sensor

Le 56,5 mm Moyen Format sur un 35,7 mm Full-Frame

Le fait d’utiliser une petite partie du cercle de confusion de l’optique nous permet d’éviter les possibles imperfections bord cadre et des éventuelles déformations pour conserver une image uniforme. Un état de fait illustré par les diagrammes MTF (Modulation Transfer Factor) de la focale 40 mm Distagon F4 publiés par Zeiss*: 

diagrammes MTF

Sur ces courbes, nous constatons une caractéristique courante des optiques qui est la perte progressive de contraste et de netteté du centre jusqu’au bord du cercle de confusion. Dans l’axe horizontal, 0 mm correspond au centre de l’image projeté et 40 mm correspond au bord du cercle de confusion. Sur la partie supérieure de l’axe vertical est représentée la mesure de contraste et de netteté maximale et la partie inférieure représente des valeurs basses. Sur le capteur de la FX9, nous avons en format Full Frame 6K une largeur de 35,7 mm, qui correspond à 63% des 56,5 mm du cercle image en moyen format de l’optique. Le fait d’utiliser uniquement la partie centrale de l’optique permet donc de bénéficier de sa zone la plus constante (entre le centre et le bord de l’image enregistrée par le capteur). 

Cela est aussi valable pour minimiser les effets de vignettage et de distorsion :

diagrammes MTF

 

Marius 40mmMarius 60mmMarius 80mm

 

ÉCHELLE DE PLAN AU POINT MINIMAL

À la distance minimale de mise au point de l’optique (close focus), nous constatons une  échelle de plan assez similaire sur nos trois focales. Avec le 60mm, le rapport entre le champ de vision et la distance minimum permet plus de latitude.

Marius 40mmMarius 60mmMarius 80mm

BOKEH

À pleine ouverture, l’image présente un bokeh assez rond ayant des bords bien délimités sans aucune bordure apparente. Par la suite, nous allons fermer le diaphragme pour mettre en évidence la forme du bokeh due à la disposition des lames des optiques. 

Marius 40mmMarius 60mmMarius 80mm

 

ABERRATION CHROMATIQUE

Aberration

 

FLARES

Flare 40Flare 60Flare 80

 

  • Partie 2 – FORME DU DIAPHRAGME

Zeiss

Dans cette deuxième partie des essais, sur trépied, nous mettons en évidence la forme pentagonale du diaphragme et son rendu sur les sources ponctuelles, les flares et sur le bokeh.

En termes de focales nous avons choisi le 60 mm F3.5 pour faire le lien avec la première partie de cet article et le 50 mm F4 et le 100mm F3.5, ainsi que trois ouvertures différentes pour chaque focale.

 

Hasselblad 50mm F4 Distagon sur capteur Sony FX9 FF 6K Sensor

Hasselblad 60mm F3.5 Distagon sur capteur Sony FX9 FF 6K Sensor


Hasselblad 100mm F3.5 Planar sur capteur Sony FX9 FF 6K Sensor

 

Joséphine 50 F8Joséphine 50 F5.6Joséphine 50 F4

Sur ces images nous pouvons constater la forme pentagonale des bokehs et des flares étoilés sur une source ponctuelle. Une des caractéristiques de ces optiques est de pouvoir exploiter deux looks avec une seule série optique : pour obtenir un bokeh rond classique et cinématographique, l’exercice réside dans le fait d’exposer à pleine ouverture sans changer le diaphragme (à cette fin, le filtre variable interne des caméras Sony est très utile !); pour explorer les spécificités visuelles de l’action du diaphragme, il suffit de fermer de 1/3 de diaph pour commencer à discerner les formes pentagonales et étoilées caractéristiques.

Nous y voyons là la perspective d’une discussion esthétique (et culturelle finalement) à propos de la forme des bokehs et l’imposition par les règles classiques d’un diaphragme rond et constant.

50mm bokeh50mm lampe100mm lampe

Les optiques des appareils photo moyen format ont été utilisées par le passé par des directeurs de la photographie expérimentateurs, mais au vu des options créatives et visuelles qu’elles permettent nous ne doutons pas que leur utilisation se démocratise, les terrains de jeu et les formats de diffusion des images étant aujourd’hui excessivement variés…

Pour faire suite, un prochain article pourrait par exemple traiter des optiques Mamiya, sur un capteur plein format (FF) avec une Metabones Speedbooster qui permettrait d’utiliser tout le cercle image de l’optique… Le champs de prospective est vaste !

Nous tenons à remercier l’équipe de Direct Digital qui a permis la réalisation de ces essais. Direct Digital sera ravie d’accueillir les chefs opérateurs qui souhaiteraient tester la configuration matérielle décrite dans cet article.

 

 

 

LIENS UTILES