The Late Night Effect de Jean Monville, premiers tests de la Sony FX9

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En Février 2020, Jean Monville partait en Normandie pour tourner pendant une semaine son court-métrage avec son équipe, Futur Production.
The late night effect est un film de genre, à mi-chemin entre le thriller et la comédie, marqué par des références telles que Suspiria de Dario Argento, Revenge de Coralie Fargeat ou Laissez bronzer les cadavres de Hélène Cattet et Bruno Forzani. L’occasion pour l’équipe de s’essayer à des partis pris de lumière tranchées et de s’affranchir du réalisme lorsque les personnages se laissent aller à une violence absurde.

Matériel utilisé :

  • Caméra :        Sony FX9
  • Optiques :      Fujinon MK 18-55 et 50-135 T/2.9
  • Lumière :     Arri D12, DMG lumière SL1 mix, Aladdin Biflex M7

Direct Digital a eu la chance de pouvoir discuter avec l’équipe au complet quelques temps après le tournage pour recueillir leurs impressions sur la nouvelle Sony FX9 et sur leurs conditions de tournage.


Tout d’abord, pouvez-vous présenter votre projet ?

Jean : Ce projet s’inscrit dans le cadre de l'association Futur Production qui est basée au Havre et compte environ 10 membres, tous amis. Nous avons décidé de monter une structure pour nous aider à avancer, apprendre et créer des projets qui nous plaisent comme des courts métrages, des clips, un petit peu d’institutionnel également pour nous aider à financer d’autres projets divers et variés. Nous essayons de faire un court-métrage au moins une fois par an. 
J’ai créé le scénario de The Late Night Effect il y a environ deux ans. A la base, dans mon esprit, c’était un film fantastique expérimental, et au fur et à mesure de l’écriture, c’est devenu une comédie décalée. Pendant la phase d’écriture, il y a des films qui m’ont inspiré comme “The End Of The F****ing World”, des films qui réutilisent des codes de genre comme le western ou le giallo. J’aime beaucoup cet univers décalé du cinéma de genre. A l’époque, je trouvais que beaucoup de courts métrages se ressemblaient… je voulais faire quelque chose de différent et de m’amuser avec ce genre d’histoires.
J’ai dessiné les plans dans le story-board au fur et à mesure de l’écriture. J’ai noté mes idées dont certaines ont changé par la suite en fonction du temps qu’on avait sur le tournage et de nos moyens techniques mais on est toujours restés dans les mêmes intentions. 
Guillaume : C’était très agréable de travailler à partir d’un story-board comme ça, ça nous a servi de base. Il avait déjà fait les découpages donc on n’a pas changé grand-chose au moment de la préparation. En revanche, c’est également un peu piège car son story-board était fait pour un décor spécifique avec beaucoup de forêts et au final on a tourné dans une gare abandonnée, ce qui était très différent. Ça nous a donc forcé à revoir le découpage sur le tournage, mais le story-board nous a permis de garder son idée de départ en tête.

Comment vous êtes-vous partagé les tâches pendant le tournage ?

Jean : Dans l’équipe image, nous étions six, Guillaume (chef opérateur), Achille (chef électro) et Gabriel pour l’assister, Pierre-Nicolas (1er assistant caméra), Rémy (2nd assistant caméra) et moi-même (Jean, scénariste et réalisateur). Et Nathan Lepiller était notre producteur. 
Guillaume : C’est la première fois que j’avais 5 personnes à gérer. C’est agréable d’avoir une équipe au complet, je connaissais déjà presque tout le monde, et chacun avait son mot à dire sur comment améliorer l’image, c’est bien d’avoir un retour des autres et de pouvoir prendre du recul.

En quoi vos références (Suspiria, Revenge, Laissez Bronzer Les Cadavres) ont-elles inspiré votre processus créatif ?

Jean : A la fin de Suspiria par exemple, il y a toute une séquence où les lumières ne sont plus réalistes du tout. Avoir ces références en tête pendant le tournage aide à retrouver ce qui nous a inspiré et à déterminer le type de plans que l’on veut. Pour les autres films, l’inspiration est plus liée à leur ambiance en général et du genre du film voulu.
Guillaume : Mais au final on s’est pas mal affranchis des références une fois sur le tournage car nous n’allions pas aussi loin que nos références. En revanche, lors de la préparation, c’était très important de savoir que nous pouvions aller aussi loin, sans se mettre des limites ni se censurer. 
Par exemple, l’un des gros points forts de Laissez Bronzer Les Cadavres est l’utilisation très fréquente des zooms. Ça nous a incité à y avoir recours nous aussi et dès que j’ai commencé à parler avec Vincent chez Direct Digital, j’ai demandé qu’on se concentre dessus. C’est un outil de mise en scène très intéressant, mais délicat à manier parce que ça peut vite faire kitch. La question de savoir quand mettre un zoom et quand ne pas l’utiliser s’est posée tout au long du tournage. Il fallait qu’on trouve un équilibre. C’est ce point particulier qu’on est allés chercher dans le film et qu’on a retrouvé au tournage. C’est au moment du découpage que nous avons décidé si le zoom était nécessaire ou en trop au niveau de la dynamique, de la violence dans une mise en scène… et justement en se méfiant de ce côté kitch qu’on retrouve dans certains anciens films.

Vous avez profité de ce tournage pour tester pour la première fois la nouvelle Sony FX9, que pouvez-vous en dire ? A-t-elle été facile à utiliser ? Quels seraient selon vous ses points forts et ses points faibles ?

Guillaume : Plusieurs raisons nous ont poussés à choisir la FX9. En premier, le fait que vous nous l’ayez proposée, il faut aussi être à l’écoute du loueur qui parfois s’y connait davantage, surtout quand on est encore jeune. Pour la Sony FX9, comme elle venait tout juste de sortir, on avait aussi envie de la découvrir, de voir ce qu’elle est capable de faire, surtout qu’elle était assez alléchante sur le papier. 
Et par rapport à ce projet en particulier, ce qui faisait la différence était le Dual ISO car notre film ne se passait quasiment que de nuit, et on n’avait pas beaucoup de budget. C’était délicat. On a choisi des optiques qui n’ouvraient qu’à 2.9 donc on était limités. Et avoir cette fonctionnalité (soit 4000 ISO) permet de compenser le fait d’avoir un faible budget donc peu d’éclairages, peu de personnes pour manipuler ces éclairages, peu de temps d’installation… Avoir une caméra avec une sensibilité native de 4000 ISO, c’est exceptionnel et ça facilite beaucoup de choses. Ça rassure aussi, d’une certaine façon.
Après l’avoir utilisée, j’ai noté que les ND intégrés à la caméra était très intéressants. Toujours dans cette dynamique de tournage où l’on est pressés par le temps, ça permet de gagner en rapidité et c’est plus facile, d’autant plus qu’ils sont électroniques et que le réglage est très fin. Aussi, je n’ai pas observé de shift de couleur, ce qui arrive parfois avec le ND. C’est très intéressant d’un point de vue artistique d’avoir la possibilité de pouvoir faire une variation de profondeur champ dans un seul plan. Etonnamment, ce n’est pas vraiment mis en avant sur les caméras qui ont cette option.
L’ergonomie de la FX9 est un point fort également. On n’a pas eu beaucoup de plans à l’épaule, les seuls ont été ceux tournés dans la voiture, mais c’est là qu’on se rend compte qu’elle est plutôt ergonomique pour être à l’épaule, ni trop lourde, ni trop légère, qu’elle n’est pas trop encombrante pour un endroit aussi exigu.
Après, j’avais déjà utilisé le S-LOG 3 sur d’autres caméras et l’une de mes angoisses, en particulier pour cette fameuse séquence inspirée de Suspiria où toute l’image est éclairée d’une seule source d’un rouge très saturé, était que la caméra ne soit pas capable d’encaisser suffisamment, qu’on ait une perte d’informations. D’autant plus qu’il s’agissait d’un gros plan sur un visage. Et en termes de colorimétrie, des quelques images que j’ai pu étalonner le soir, j’ai été très content et rassuré sur les performances de la caméra.
Un défaut en revanche, mais qui a l’air d’être en passe d’être résolu avec un module externe XDCA (mis-à-jour en Septembre 2020 - NDLR), c’est qu’on ne peut pas faire de RAW interne. Du coup on était en XAVC intra 422 10 bits, mais ça correspondait parfaitement au projet car économiquement parlant, on ne pouvait pas faire du RAW car on ne savait pas comment allait se passer l’étalonnage. Là, les back-ups étaient plus rapides et ça me permettait chaque soir de prendre mon ordinateur et d’étalonner très rapidement les rushs, de faire 2-3 petites modifs. C’était important pour moi de pouvoir montrer à Jean les images qu’on venait de tourner au fur et à mesure du tournage pour vérifier qu’on était bien dans la bonne direction et ça m’a également été très utile vis-à-vis des acteurs pour les rassurer quand ils étaient fatigués ou inquiets par exemple.
Un autre défaut selon moi, c’est qu’elle n’est qu’en monture E ce qui limite le choix des optiques. Autrement, il faut avoir recours à des bagues d’adaptation mais c’est toujours mieux de pouvoir changer directement la monture. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi les Fujinon MK. Etant donné que c’était la première fois que je tournais en zoom sur un tournage aussi rapide, je me suis dit que ça allait me faire gagner énormément de temps de rester en monture E, ce qui s’est avéré plutôt juste. C’est moi qui commandais le zoom, et c’est pour ça qu’on était partis à la fois avec une commande de point ARRI pour Pierre-Nicolas, et une Tilta Nucleus M pour que je puisse commander le zoom quand j’étais sur trépied, ce qui est très agréable.
Pour conclure, c’est une caméra très intéressante mais qui reste pensée pour un utilisateur unique. Je pense que c’est une excellente caméra pour le cadre documentaire – ça se voit même dans ses caractéristiques comme l’auto-focus et le S-cinetone. Pour des projets plus ambitieux on se tournera vers une caméra qui est plus pensée pour la fiction.
Pierre-Nicolas : pour moi, en tant que 1er assistant, je trouve que la FX9 peut être intéressante pour du court-métrage ou du clip. En revanche, pour un long métrage de plusieurs semaines je trouve qu’elle n’est pas facile d’accès : elle nécessite pas mal de modifications qui prennent du temps car elle n’a pas été pensée pour ça, contrairement à la Venice par exemple. Pour un changement de pied ou d’épaule sur Ronin 2 par exemple, il fallait bien compter (équilibrage compris) une bonne demi-heure avant de repartir à filmer. Même une fois passée la phase de rodage au bout de 2-3 jours, il y a toujours une grosse nécessité d’accessoirisation : de retirer la poignée supérieure avec des vis sensibles, de mettre un cache sur la connectique de la poignée supérieure, de dévisser le cache arrière où est installée la V-lock, ce sont de toutes petites vis…  Et même si c’est une rigueur à laquelle on est habitué en tant que 1er assistant cam, ça reste préjudiciable pour une rythmique et une dynamique de plateau de tournage de fiction.

Et côté lumière, avez-vous réussi à obtenir le style désiré ? Quels choix avez-vous dû faire pendant le tournage ?

Achille : Pour la lumière, on avait deux Arri D12, un SL1 mix et un Aladdin Bi-Flex et on s’en est plutôt bien sortis avec ça. En revanche, on était un peu battus pour les plans larges de nuit, on a donc dû s’adapter. Mais c’était une bonne liste pour un court-métrage que je conseillerais surtout pour des intérieurs jour.
Guillaume : Le fait qu’on ait peu de projecteurs pour nos scènes de nuit donnait une esthétique peu réaliste qui correspondait bien au scénario de Jean, c’était cohérent.
Achille : Au début on était partis sur une architecture de lumière qui ne nous plaisait qu’à moitié, le deuxième jour on l’a améliorée. On a placé les lumières un peu différemment et on a obtenu ce qu’on voulait au niveau de la douceur des peaux notamment. Cela, on n’aurait pas pu le deviner à l’avance, il fallait être sur le tournage pour créer ça.

Comment avez-vous appréhendé la différence entre le HMI et la LED ?

Achille : on s’est principalement servi des D12 pour les plans extérieurs, on voulait une image très contrastée donc c’était parfait. L’avantage de la LED, le Bi-Flex en particulier, c’est de pouvoir les cacher dans des endroits très restreints, comme en plafonnier de voiture. C’était très important pour nous d’avoir une lumière qui vienne de l’intérieur de la voiture.
Guillaume : Quant au SL1, on l’a utilisé pour le plan titre, mais on s’en est surtout servis en réflexion avec un poly pour créer lumière d’ambiance. La LED a tendance à être un peu trop forte, à manquer de rondeur. On a trouvé que ça marchait mieux qu’avec un HMI car le SL1 est une source large qui couvrait bien la surface du poly, un peu moins puissante certes mais qui du coup apportait une lumière d’ambiance beaucoup plus douce.Quant aux rapports de couleur entre la LED et le HMI, c’est une phase qu’on a étudiée en prépa quand on est venus chez Direct Digital pour essayer le matériel, on a fait attention à ce que chaque gélatine mise sur les HMI corresponde à une gélatine du SL1. L’application mobile du SL1 était très pratique à ce niveau-là, je pouvais les diriger à distance et personnaliser mes gélatines.
Et pour notre scène éclairée uniquement en rouge avec une simple mandarine, j’avais également testé plein de gélatines. J’en avais choisi une bleue pour l’effet lune, une rouge pour l’effet de cette scène particulière, une troisième sur un projecteur pour simuler un lampadaire et une dernière pour la lampe à l’intérieur de la voiture. On a fait un vrai travail sur les couleurs pour avoir le contraste désiré en tournage et éviter d’aller chercher ça en post-prod.

Comment Direct Digital vous a aidé dans ce projet ? Comment se sont passés les tests caméra chez nous ?

Pierre-Nicolas : C’est la première fois que je venais faire des essais chez Direct Digital et j’étais très content. Je connaissais déjà Vincent et Geoffrey avant et je connaissais la manière de travailler de Vincent. Je savais que je pouvais lui demander des particularités et qu’il allait trouver la meilleure configuration, notamment l’accessoirisation que vous avez avec les moniteurs et les Teradek (ce qu’a eu Jean pour son moniteur réal) c’est vraiment parfait, c’est très pratique d’avoir les Teradek avec une monture V-lock pour pouvoir mettre les batteries directement dessus.
Guillaume : Oui d’ailleurs vous féliciterez l’équipe du magasin lumière qui ont été très agréables et aux petits soins avec nous, on n’a pas l’habitude d’être accueillis comme ça dans une société de location. 
Jean : Oui, merci à tous de nous avoir aidés sur ce projet !
Achille : Je peux aussi ajouter c’est que c’est très agréable de travailler avec un loueur qui est autant à l’écoute des contraintes techniques qu’esthétiques, c’est super d’avoir une équipe en face qui va dans la même direction que nous pour servir le projet.

 

Scénariste et réalisateur: Jean Monville 

Chef Op : Guillaume Pradel 

1er assistant cam : Pierre-Nicolas Despoisse-Chagot 

2e assistant cam : Rémi Morandet

Chef électro : Achille Vincent 

Assistant électro : Gabriel Malenfer

Producteur : Nathan Lepiller