Un entretien avec Lisa Pritchard

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Nous avons réussi à voler quelques instants de l’emploi du temps bien rempli de Lisa Pritchard pour discuter de sa carrière d’agent de photographes et du programme Futures de son agence – une compétition qui a lieu tous les deux ans et qui offre à 5 photographes l’opportunité de trouver un agent, de constituer leur portfolio et de commencer leur carrière. Elle nous parle également des changements qui s’opèrent dans l’industrie et offre quelques sages conseils aux photographes qui cherchent à se lancer professionnellement.

Vous avez commencé en représentant des photojournalistes, mais comment cela a-t-il débuté ? Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce côté de la photographie ?

Mon tout premier job à la sortie de l’Université était dans une banque d’image appelée Image Bank, qui fait maintenant partie de Getty. Ce fût ma première incursion dans l’industrie. Quelques années plus tard, je suis tombée sur une annonce sur le site de l’AOP pour un poste d’agent à l’IPG (The Independent Photographers Group). C’était un coup de chance car j’ai été jetée directement dans la fosse, à apprendre ce qu’un agent fait et j’ai représenté d’incroyables photographes – photojournalistes et portraitistes célèbres tels que Tom Stoddart, Zed Nelson et Harry Borden. J’ai été attirée par le côté agence à l’époque car ça me semblait plus intéressant que de simplement deviser des frais d’usage pour des photos d’archive et j’étais prête pour un nouveau challenge.

Être agent n’a jamais fait partie de mes intentions quand j’étais plus jeune – je n’avais aucune idée de ce que faisait un agent avant d’en devenir un. Ça n’était pas du tout sur la liste de mes envies de carrière quand j’étais à l’école !

Pourquoi avez-vous lance votre propre agence – est-ce quelque chose que vous avez toujours envisagé ou avez-vous remarqué un manque dans le domaine?

Pas vraiment, une nouvelle fois une chose a semblé amener naturellement l’autre. Après avoir travaillé à l’IPG, j’ai été recrutée pour créer mon propre département au sein d’une agence de presse et de relations publiques et pour représenter leurs photographes. J’ai fini par dénicher un grand nombre de photographes par moi-même, qui correspondaient mieux aux demandes commerciales. Comme j’avais l’impression de tout faire moi-même – les devis et la production, le marketing et la gestion créative des photographes, trouver les photographes à représenter et utiliser tous mes contacts dans les agences – j’ai fini par penser que je ferais aussi bien de partir et lancer ma propre agence, donc c’est ce que j’ai fait !

J’étais plus au fait que les marques et agences commandaient des photos du type « vraies personnes et vrais moments », donc il était logique de me baser sur mes connaissances et ça m’a aidé à me démarquer des autres agents qui ont tendance à se concentrer uniquement sur le top 20 des agences de pub, dont les photographes cochaient les bonnes cases – spécialisés dans la nourriture, les voitures, le portrait etc.

Vous avez développé “LPA Futures” en 2017 et c’est devenu une opportunité reconnue pour les nouveaux photographes de se faire remarquer, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce concours ?

Merci! Oui, je suis ravie que ce soit devenu un concours réputé pour découvrir des stars montantes et pour les « mettre sur la carte » pour ainsi dire. Je suis vraiment fière de pourvoir dire qu’on a découvert beaucoup de talents extraordinaires grâce à cette initiative au fil des années, dont beaucoup sont à présent des photographes très connus et demandés. Alummni inclus Laura Pannack, Olly Burn, Joel Redman, Lulu Ash, John Tonks, Oliver Haupt, Toby Coulson, Martin Usborne et Tim Atkins pour n’en nommer que quelques-uns. C’est génial de les voir continuer à remporter des prix et d’être reconnus par l’industrie, et bien sûr de les voir continuer à shooter de nombreux projets personnels inspirants et de réaliser des commandes très médiatisées.

Pour vous donner les points clés, LPA Futures est une compétition qui a lieu tous les deux ans et qui a pour but de trouver un groupe de 5 photographes qui auront le potentiel de devenir des photographes publicitaires à succès. On demande aux participants de soumettre un portefolio de 20 images. Un panel d’experts de l’industrie est choisi pour être jury, dont je fais également partie, habituellement il s’agit d’un photographe de mon agence et des personnalités connues du monde de la publicité, du design et de la photographie. Le prix principal est un agent… LPA ! Le petit groupe de photographes sélectionnés gagne en général une représentation de 2 ans par notre agence et plein d’autres super prix pour démarrer leur carrière. Cette année nous avons la location de studio, des tirages pour exposition, des conseils juridiques gratuits, des bons pour un portefolio sur mesure, d’importantes réductions sur l’impression de portefolios et l’assurance. Et bien sûr le prix offert par vous-même chez Direct Digital : des bons pour une formation et pour la location de lumières, caméra et de fonds. Au final, c’est environ 20 000£ de prix au total, grâce à nos merveilleux partenaires !

Au cours de ces deux années, nous travaillons en collaboration avec ces 5 photographes pour les aider à développer leurs portefolios et les soutenir dans toutes les tâches les plus délicates sur lesquelles les agents peuvent aider (devis, candidatures, frais d’usage, contrats…). Nous faisons la promotion de leur travail auprès de l’industrie et leur donnons une plateforme pour être reconnus. Nous les conseillons également sur leur propre marketing et sur d’autres aspects du métier et de leur carrière. Et dernier point mais non des moindres, nous leur obtenons généralement de belles commandes de la part d’agences et de marques.

Comment vous est venue cette idée?

Honnêtement, je ne me souviens pas de pourquoi ni comment j’ai créé Futures (comme on l’appelle souvent maintenant). Mon mari et un gars qui travaillait pour moi quand je me suis installée pour la première fois prétendent que c’était leur idée mais je n’en suis pas si sûre ! Ce n’est pas une idée originale d’organiser un concours jugé par un panel d’acteurs de l’industrie pour trouver de nouveaux talents et présenter les gagnants. Ce qui est différent à mon avis, c’est que c’est structuré dans un programme continu. De toute évidence, gagner un agent est assez unique et tous les prix sont destinées à lancer la carrière de photographes émergents. La soirée de lancement et l’exposition sont toujours très attendues et suivies. Je n’avais jamais vraiment considéré le futur de Futures quand je l’ai mis en place, ni que cela pourrait devenir un succès à long terme et ancré dans le calendrier de l’industrie 12 ans plus tard !

Quelles tendances avez-vous remarqué au cours de votre carrière en photographie?

Quand j’ai commencé, c’étaient les grosses installations et productions, des fois très accessoirisées et souvent très retouchées qui étaient les plus populaires ; c’est définitivement tombé en désuétude aujourd’hui. Par la suite, ce sont plutôt les images plus naturelles, spontanées qui sont devenues tendances (et qui semblent avoir perduré). Les clients ont soudainement commencé à dire qu’ils voulaient des mannequins ayant l’air plus « réels », ce qui a donné lieu à quelques castings intéressants les premières fois. En fait, ce qu’ils voulaient c’était surtout des gens qui ressemblaient à des mannequins, juste pas des mannequins maigrichons, des looks plus attrayants et crédibles, comme par exemple les plus beaux de vos amis, ceux dont vous rêvez de mener la vie ! Maintenant, la plupart du temps quand ils vous disent réels, ils veulent dire réels. L’imagerie d’un style de vie authentique est très populaire aujourd’hui, cependant étonnamment difficile à obtenir sans avoir l’air de tomber dans le cliché.

J’ai remarqué quelques tendances thématiques au fur et à mesure des années, certaines reflétant l’air du temps dans la société et la culture populaire, d'autres juste des sujets bizarres qui semblaient aller avec d’étranges vagues de popularité : des caddies, des parkings, des arbres à fleurs roses dans les rues, des Cadillacs à Cuba, des néons (de toutes sortes !), des roux avec des rongeurs, de la boxe, du surf, des gens faisant du sport dans des parkings (encore des parkings !), des camping-cars et des bonnets, des flare en tous genres. Je vois beaucoup de clichés de style Instagram en ce moment et définitivement une prédominance de la diversité culturelle et des groupes minoritaires dans la publicité des grandes marques. Je suppose qu'il s'agit là d'une représentation de l'évolution de la société en général et tout à fait juste, mais par moments difficile à dépeindre correctement !

L’arrivée de la vidéo, de plus en plus dominante ces derniers temps, a-t-elle changé votre façon de gérer vos photographes ou productions ?

Pas particulièrement, non. Je ne pense pas que ce soit aussi envahissant et omniprésent qu’on veut bien le penser. Oui, bien sûr, le contenu digital est une excellente opportunité de montrer des vidéos en même temps que des photos tout en utilisant les mêmes éléments de production, mais beaucoup de clients gardent en tête que cela demande généralement un budget supplémentaire et du temps additionnel dans le planning du shoot. En tant qu’agents, on doit trouver la démarcation entre protéger nos photographes de ça tout en essayant d’offrir le meilleur service global, et rester compétitifs. Il y a également beaucoup de photographes qui ne tournent pas de vidéos, et d’autres qui l’ont complètement intégrée, chacun sa préférence. La vidéo peut-être un excellent élément à ajouter à votre artillerie et un très bon service supplémentaire à offrir à vos clients, mais c’est une discipline bien différente. Si vous pouvez faire les deux, c’est ça ne peut être que positif. De temps en temps, les photographes gagnent des projets car ils savent faire les deux et sont donc perçus comme apportant une valeur ajoutée. Même s'ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes, il est facilement possible (si vous connaissez les bonnes personnes !) de rassembler une équipe experte autour d'eux pour qu'ils puissent tourner sous leur direction.

Quels conseils donneriez-vous à des photographes et assistants photos qui débutent ou ne sont pas signés et qui cherchent un agent?

A moins que vous ne gagniez Futures (et même si c’est le cas), je vous dirais de développer votre carrière par vous-mêmes dans un premier temps et de ne chercher un agent que si vous pensez en avoir besoin. Mettez au point un style fort mais commercial, qui doit être une vision qui vous est propre et unique. Apprenez tout ce que vous pouvez de ce milieu, déterminez qui passe les commandes, ainsi que ce qui est commandé et pourquoi. Assurez-vous que votre travail sera adapté à leurs besoins. Cherchez qui sont vos concurrents et pourquoi ceux qui réussissent ont du succès. Mais restez toujours fidèles à vous-mêmes, ceux qui essayent à tout prix de prendre les trains en marche se voient immédiatement - vous ne pouvez pas imaginer combien j’ai pu voir de flares dans des shoots lifestyle à une époque !

Je ne veux pas sonner comme un manuel de gestion, mais vous dirigez une entreprise (ce que je développe dans les livres ‘Setting up a Successful Photographers Business’ et ‘Running a Successful Photographers Business’ – disponibles sur Amazon et dans toutes les bonnes librairies – up, up !) Vous devez connaître les tenants et les aboutissants du développement d’un produit pour le marché que vous avez choisi et fournir une prestation professionnelle complète et de qualité. La façon dont vous répondez à un email de briefing, ou la façon dont vous vous présentez et contribuez à un rendez-vous sont tout aussi importantes que les photos que vous prenez – et les agents seront attentifs à ça, de même que les clients.
Prenez également soin de trouver le bon « match » lorsque vous vous sentirez prêts à prendre un agent. J’entends beaucoup de photographes parler de leur envie de prendre un agent car ils n’ont pas envie de faire leur propre marketing ou parce qu’ils veulent décrocher plus de contrats, cette approche ne sera pas des plus favorables avec la majorité des agents.

Ce que les agents peuvent faire (habituellement!), c’est d’apporter au client l’assurance de votre qualité (les gens ont besoin de confiance et de familiarité lorsqu’ils « achètent » un service), probablement vous aider à être remarqué plus rapidement, et s’assurer que chaque job est obtenu et traité de manière professionnelle, évalué et planifié correctement avec des contrats équitablement négociés. La plupart d’entre nous sont là 24h/24, 7j/7 pour répondre aux demandes des clients et donner des conseils, et les meilleurs ont un excellent carnet d’adresse. Mais comme je le disais, le simple fait d’avoir un répertoire rempli n’est pas le plus important si le photographe n’est pas capable d’offrir un service complet et de livrer la marchandise.
C’est une industrie très compétitive et imprévisible. Et deux têtes valent souvent mieux qu’une. Mais en fin de compte la plupart des projets sont gagnés car le client veut travailler avec un photographe en particulier, sur la base de recommandations et de son travail, et non pas en fonction de qui est son agent.

Comment as-tu choisi de t’associer avec Direct Digital? En quoi pensez-vous que c’est un bon partenariat ?

Direct Digital a toujours été très d’un grand soutien pour Futures et est maintenant notre partenaire depuis plusieurs années. Ils offrent toujours un excellent service et des produits fiables pour les photographes professionnels à un prix raisonnable avec l’expertise en plus. Ils ont une réputation solide dans l’industrie et s’intéressent vraiment à aider les artistes émergents – donc c’est un match parfait !

Quelle est la prochaine étape ?

On poursuit avec Futures! On a vraiment hâte de travailler avec ces 5 nouveaux gagnants de LPA Futures 2019/21 et de jouer un rôle dans leur brillante carrière. Nous voulons simplement continuer à fournir les meilleurs talents à l’industrie avec un service amicale et professionnel, et de travailler sur des shoots et campagnes excitants epour tous les photographes que nous représentons (qui incluent à présent 4 photographes de notre précédente édition de Futures !). Nos branches LPA Production et Pop Up Agent prennent également de l’ampleur en ce moment avec de nombreux projets intéressants en cours de réalisation. De cette façon, nous pouvons travailler avec des photographes projet après projet, même si nous ne les représentons pas.
Sur un niveau un peu plus personnel, je viens juste de finir d’écrire la 2e edition de mon premier livre ‘Setting Up a Successful photography Business’ (publié par Bloomsbury et best-seller en Grande-Bretagne dans la branche business). Il comporte quelques mises-à-jour et un tout nouveau panel de contributeurs et sortira en début d’année prochaine. J’espère écrire un 3e livre pour en faire une trilogie ! J’ai aussi quelques conférences de planifiées sur ce que font les agents, comment s’en procurer un et comment devenir un photographe à succès – donc restez attentifs !